Téclistamab dans l’amylose AL en rechute ou réfractaire : une série internationale de cas rétrospectifs
Teclistamab in relapsed or refractory AL amyloidosis, a multinational retrospective case series
Actualité commentée réalisée par Pierre-Edouard Debureaux - Publiée le 21 mai 2024
TKMR-IH 2024 ; 3 (2) : A2.
Forgeard N, Elessa D, Carpinteiro A, Belhadj K, Minnema M, Roussel M, et al.
Teclistamab in relapsed or refractory AL amyloidosis: a multinational retrospective case series
AVIS D’EXPERT
Ces résultats soulignent l’efficacité du téclistamab chez les patients ayant bénéficié de multiples lignes de traitement antérieures dans l’amylose AL. L’objectif principal dans le traitement de l’amylose est d’obtenir une réponse rapide, essentielle pour éviter des nouveaux dépôts avant d’entrer dans une phase de résorption des dépôts amyloïdes, processus prenant de plusieurs mois à plusieurs années selon l’organe concerné. Bien que les anticorps anti-CD38 aient permis des réponses rapides en 1re ligne, les options en cas de rechute étaient jusqu’à présent moins efficaces. La rapidité et la profondeur des réponses observées avec le téclistamab, souvent inférieures à un mois, sont particulièrement prometteuses. Contrairement aux CAR T-cells, qui ont montré des résultats mitigés dans l’amylose1 en raison de délai de traitement long et de toxicités spécifiques d’organes importantes, les anticorps bispécifiques se distinguent comme un traitement de choix. Néanmoins, la gestion des effets secondaires, en particulier les infections graves, reste un défi majeur. Des recherches complémentaires sont requises pour confirmer ces résultats et améliorer la sécurité du traitement, incluant peut-être un ajustement des doses en fonction de la réponse ainsi que de la durée du traitement. En attendant les résultats des traitements ciblant directement les dépôts en cours de test, il serait intéressant de coupler les deux pour les formes les plus sévères d’amylose AL dans le futur.
Iptacopan oral en monothérapie dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne
Oral Iptacopan Monotherapy in Paroxysmal Nocturnal Hemoglobinuria
Actualité commentée réalisée par Pierre-Edouard Debureaux - Publiée le 15 avril 2024
TKMR-IH 2024 ; 3 (1) : A1.
Peffault de Latour R, Röth A, Kulasekararaj AG, Han B, Scheinberg P, Maciejewski JP, et al.
N Engl J Med 2024 ; 390 : 994-1008.
AVIS D’EXPERT
Les résultats issus des deux études de phase III sont remarquables, marquant une percée significative dans le traitement de l’HPN. Les inhibiteurs terminaux du complément entravent l’activation finale de ce système, mais cette inhibition partielle conduit à la préservation du C3 à la surface des érythrocytes. Par conséquent, ces cellules subissent une opsonisation extravasculaire due à la persistance de ce C3 à la surface. Le traitement expérimental, ciblant le facteur B par administration orale, a réussi à outrepasser cette limite prouvée par l’augmentation du taux d’hémoglobine de manière cliniquement importante corrélée à une amélioration de la qualité de vie des patients; ceci, sans les épisodes d’hémolyse aiguë observés avec d’autres inhibiteurs proximaux comme le pegcetacoplan ciblant le C3, administré par voie sous-cutanée. La cause semble être l’accumulation d’érythrocytes marqués par le C3, un phénomène absent lorsque l’inhibition du complément se fait à un niveau encore plus amont, via le facteur B. Outre les améliorations biologiques et de qualité de vie, ces traitements réduisent la nécessité d’hospitalisations, permettant ainsi aux patients de mener une vie aussi normale que possible. Néanmoins, une contrainte majeure demeure : la durée de suivi, inférieure à un an, est insuffisante pour évaluer les effets à long terme, tels que la méningite, les cancers secondaires, les thromboses, et les crises aiguës d’hémolyse avec les germes estivaux. Ces aspects nécessiteront une surveillance attentive dans le cadre du suivi de cette étude et chez les futurs patients traités par cet inhibiteur du facteur B.
Les NT-proBNP et la troponine T ultra-sensible ne permettent pas de détecter une atteinte cardiaque dans la maladie d’Erdheim-Chester
NT-proBNP and High Sensitivity Troponin T Fail to Detect Cardiac Involvement in Erdheim-Chester Disease
Actualité commentée réalisée par Marion PEYRE - Publiée le 12 janvier 2023
TKMR-IH 2023 ; 2 (1) : A1.
Azoulay LD, Ganzel C, Bravetti M, Amoura Z, Cluzel P, Cohen-Aubart F, et al.
Mayo Clin Proc 2022 ; 97 : 2165-7.
AVIS D’EXPERT
Cette étude, bien que rétrospective, apporte de premières données de grande ampleur sur la place des biomarqueurs dans le dépistage des atteintes cardiaques dans la maladie d’Erdheim-Chester. Aucune association n’était retrouvée entre une atteinte cardiaque confirmée et l’élévation des NT-proBNP ou de la troponine ultra-sensible ; si la sensibilité était bonne, la spécificité et la valeur prédictive positive étaient basses, les rendant insuffisantes pour une identification efficace des patients à haut risque. Si ces biomarqueurs ont démontré leur efficacité dans l’évaluation d’autres atteintes cardiaques dysimmunitaires, il est à noter que la maladie d’Erdheim-Chester conduit plus fréquemment à des atteintes péricardiques ou à des atteintes atriales pseudo-tumorales qu’à des atteintes ventriculaires, pouvant expliquer la moins bonne performance diagnostique des biomarqueurs. Les conclusions sont rendues délicates par les limites inhérentes au design rétrospectif de l’étude ; en particulier, les dosages de biomarqueurs n’étaient pas réalisés de façon systématique à intervalle régulier et l’intervalle médian entre l’IRM et le dosage des biomarqueurs était d’un an (maximum : 33 mois), ce qui aura pu conduire à altérer les performances en cas d’évolution de l’atteinte cardiaque dans l’intervalle. Par ailleurs, la faible spécificité des biomarqueurs était également à mettre en parallèle avec les nombreux facteurs confondants, notamment l’existence de coronaropathie ou d’insuffisance rénale associées, possiblement secondaires à l’histiocytose mais également fréquentes dans le groupe d’âge concerné.
La possibilité d’évaluation d’un score pondéré associant les deux biomarqueurs et d’éventuels autres facteurs cliniques ou biologiques n’a pas été analysée dans cette étude ; des données récentes de la même équipe suggèrent par exemple que l’élévation du VEGF sérique est significativement associée à la présence d’une atteinte cardio-vasculaire. Une approche intégrative pourrait donc être prochainement étudiée pour améliorer le dépistage régulier des atteintes cardiaques et sélectionner plus finement les patients nécessitant une évaluation par imagerie.
Pegcetacolpan versus Eculizumab dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne
Pegcetacoplan versus Eculizumab in Paroxysmal Nocturnal Hemoglobinuria
Actualité commentée réalisée par Pierre-Edouard Debureaux - Publiée le 01 décembre 2022
TKMR-IH 2022 ; 1 (1) : A1
Hillmen P, Szer J, Weitz I, Röth A, Höchsmann B, Panse J, et al.
N Engl J Med 2021 ; 384 : 1028-37
AVIS D’EXPERT
Les résultats de cette étude de phase III sont prometteurs et elle est la première à proposer un traitement efficace pour diminuer l’hémolyse extravasculaire dans l’HPN. Ce problème est lié en grande partie au fonctionnement des inhibiteurs terminaux du complément qui vont empêcher l’activation terminale du complément via le recrutement du complexe d’acte membranaire. Toutefois cette activation incomplète du système du complément va être à l’origine d’une opsonisation des globules rouges en extravasculaire par la persistance de C3 à leur surface. Le traitement expérimental via l’inhibition de C3 a permis d’augmenter le taux d’hémoglobine de façon cliniquement significative à l’origine d’une amélioration de l’asthénie et de la qualité de vie des patients. Les modalités d’administration pourraient être une limite avec la voie sous cutanée de 20 mL mais après une phase d’apprentissage, les patients sont capables de réaliser une autoadministration.
Toutefois, il existe quelques limites à cette étude : 3 patients ont dû interrompre le traitement pour des crises sévères d’hémolyses dans le bras expérimental avec des baisses brutales d’hémoglobine et des LDH à 10-15 fois la normale, même si ces épisodes ont été résolutifs avec la reprise de l’éculizumab. Il existe encore des possibles optimisations à faire sur ce traitement. Avec les études translationnelles réalisées sur cette étude, il sera peut-être plus aisé de sélectionner les patients qui vont avoir le meilleur bénéfice de ce traitement. Également, le recul (< 1 an) est trop court pour les effets au long cours (méningite, cancer secondaire) qu’il faudra monitorer dans le suivi de cette étude et des futurs patients traités.
Pour finir, la concurrence dans ce domaine risque d’être intense avec l’arrivée de plusieurs inhibiteurs proximaux du complément avec par exemple l’inhibiteur du facteur B, utilisé sous forme orale qui vient d’être évalué dans une phase II3.